La “lente et irrésistible conquête pédagogique” des Atsem

Un article du dernier numéro de Recherches en Education est dédié aux Agentes territoriales des écoles maternelles (Atsem). Vous pouvez consulter l’article (page 125-136) ici.

“Si les collectivités locales ne dotent pas toujours chaque classe d’un poste d’Atsem, un binôme enseignant-Atsem, asymétrique mais collaboratif, est désormais la norme et les enseignants l’ont intégré dans l’organisation de leur travail.” C’est le constat d’une doctorante en sociologie, auteur d’un article intitulé “Les Atsem, les activités manuelles et la raison graphique” publié dans le numéro de novembre de Recherches en Education. Selon elle, “les Atsem se sont rendues indispensables au fonctionnement des classes maternelles”, même si “la distance objective reste importante” entre enseignants et Atsem du fait de “l’écart des diplômes requis”. En effet, “les Atsem sont titulaires d’un CAP Petite Enfance et sont fonctionnaires territoriales de catégorie C alors que les enseignants sont titulaires d’un master et sont fonctionnaires d’État de catégorie A”.

De l’entretien des locaux à l’assistance pédagogique

L’article retrace en particulier la “lente et irrésistible conquête pédagogique, encore non reconnue”, de cette figure de l’école maternelle. L’histoire commence au XIXe siècle. Chargée de l’entretien des locaux, la “femme de service” s’est vu peu à peu confier des responsabilités relatives à l’hygiène des enfants, l’entretien et la mise en ordre de la classe, du mobilier et du matériel pédagogique. Après la Première Guerre mondiale, “un matériel toujours plus abondant et de plus en plus graphique, colonise les classes” et “va, dès lors, occuper l’ordinaire du travail de celle qui sera bientôt une Atsem statutaire et reconnue”.
Défini à partir de 1958, le statut des Atsem désigne leurs responsabilités en 1971 en ces termes : “l’assistance au personnel enseignant pour l’hygiène des très jeunes enfants, ainsi que la mise en état de propreté des locaux et du matériel servant à ces enfants pour leur repos et leurs ébats”. L’auteur de l’article ajoute que “la généralisation des garderies périscolaires les place quotidiennement en responsabilité de groupes d’enfants”.
Depuis les premières lois de décentralisation, les Atsem sont des fonctionnaires territoriales recrutées sur concours. Outre l’hygiène des enfants et l’entretien des locaux et du matériel, elles ont officiellement depuis 1992 une mission d’assistance aux enseignants pour la “réception” et l'”animation”.
“Leurs prérogatives sont donc officiellement élargies aux fonctions éducatives même si le choix des mots, ‘réception’, ‘animation’, préserve une distance avec l’action pédagogique”, analyse l’auteur. “Un texte de 2006 étend leurs missions aux accueils de loisirs pour la petite enfance et à la scolarisation des enfants handicapés”, ajoute-t-elle.

Un rôle dans l’acquisition de compétences graphiques

Parallèlement, alors que le travail sur le langage prend davantage d’importance dans le métier des enseignants en école maternelle, “les Atsem se mettent à prendre en charge de plus en plus de tâches éducatives et scolaires, au-delà des tâches prescrites”. L’auteur observe une “division sociale du travail pédagogique”, entre des enseignants d’abord dans la conception des apprentissages et des Atsem déléguées à la préparation matérielle et à l’encadrement d’activités manuelles. Les Atsem sont aussi progressivement déchargées des activités d’entretien, confiées à un personnel dédié.
Sur la base d’une enquête ethnographique, l’auteur consacre le reste de son article à l’analyse de l’apport pédagogique des Atsem, notamment dans l’acquisition par les jeunes enfants de compétences graphiques.
Selon le Centre national de la fonction publique territoriale (1), 52.000 Atsem, dont près de 47.000 titulaires, travaillaient dans des écoles maternelles au 31 décembre 2013. Près de 99,7% de ces agents sont des femmes. Selon le site Atsem.fr, on compterait environ une Atsem pour 50 élèves.

(1) Synthèse nationale des bilans sociaux des collectivités territoriales, publiée en juillet 2016.